Mais, il ne faut pas baisser les bras!
La suite logique de la démarche est de faire appel. Il s'agit de se tourner vers un autre type de tribunal, cette fois-ci composé de juges professionnels. Beaucoup de procédure prud’homale se termine à la chambre d'appel et les employeurs le font très régulièrement.
Me concernant, la mauvaise nouvelle du jugement, reçue en juin, s'est ajoutée à des difficultés personnelles. Je devais boucler ma thèse durant l'été et j'allais me retrouver au RSA en septembre. Bref, ma vie se compliquait fortement. J'ai dû trouver un travail en catastrophe et boucler ma thèse en même temps. La précarité prend ici tout son sens ainsi que l'urgence devant la nécessité. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai laissé ce blog de coté durant un temps
Néanmoins, j'ai essayé de creuser la situation. Pour cela, avant toute chose, la première étape est d’interjeter appel de la décision rendue par le Conseil des Prud’hommes. C'est-à-dire qu'il faut signaler à la cour d'appel de notre décision de continuer la procédure. Cette première étape n'est pas définitive et n'engage aucun frais. Elle permet de se donner de la marge pour prendre le temps de répondre aux arguments déployer dans le jugement des Prud’hommes.
Pris de doute devant la décision du conseil des prud'hommes, je me suis ensuite tourné vers un cabinet d'avocat pour obtenir l'avis d'un professionnel. Petit aparté financière - ce conseil m'a coûté 360 € - premières incidences financières conséquentes de cette procédure.
Autant maximiser son efficacité en vous en faisant profiter. Voici donc les conclusions intégrales de l'avocat (mes commentaires sont entre parenthèses) :
"Vous m’avez exposé que vous souhaitiez obtenir le paiement d’une indemnité de précarité, suite à votre engagement pour une durée déterminée de 3 ans, dans le cadre d’une convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE).
A la suite du terme de votre contrat, en date du 31 octobre 2012, votre employeur a refusé le paiement de cette indemnité, ce qui vous a conduit à saisir, seul le Conseil de prud’hommes.
Le Conseil de prud’hommes vous a débouté de l’intégralité de vos demandes par jugement en date du 16 mai 2014.
Vous vous interrogez à présent sur l’intérêt d’interjeter ou non appel de cette décision.
Mes observations quant au versement d’une indemnité de précarité dans le cadre d’une convention CIFRE sont les suivantes :
1- Rappel des dispositions légales et jurisprudentielles
L’article D1242-3 du Code du travail prévoit :
« En application du 2° de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu lorsque l'employeur s'engage à assurer un complément de formation professionnelle aux :
1° Candidats effectuant un stage en vue d'accéder à un établissement d'enseignement ;
2° Elèves ou anciens élèves d'un établissement d'enseignement effectuant un stage d'application ;
3° Etrangers venant en France en vue d'acquérir un complément de formation professionnelle ;
4° Bénéficiaires d'une aide financière individuelle à la formation par la recherche ;
5° Salariés liés par un contrat de rééducation professionnelle au sens des dispositions de l'article L. 5213-3 ou des textes relatifs à la rééducation professionnelle des victimes d'accidents du travail et des assurés sociaux. »
L’article L1242-3 alinéa 2 prévoit également qu’un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu dans le cadre de ce type de convention lorsque :
« L’employeur s'engage, pour une durée et dans des conditions déterminées par décret, à assurer un complément de formation professionnelle au salarié. »
Toutefois, l’article L1243-10 du même Code précise que l'indemnité de fin de contrat n'est pas due :
« 1° Lorsque le contrat est conclu au titre du 3° de l'article L. 1242-2 ou de l'article L. 1242-3, sauf dispositions conventionnelles plus favorables. »
Dès lors, il apparaît qu’en principe, le contrat de travail à durée déterminée conclu dans le cadre d’une convention CIFRE n’ouvre pas droit au versement d’une prime de précarité.
Cependant, la cour d’appel de Versailles est venue affirmer dans un arrêt en date du 31 août 2011 :
« Que si le poste de recherche occupé pendant trois ans par M. X... dans le cadre d'une convention CIFRE, a eu un rôle formateur pour son début de carrière (pièce 8), néanmoins, le descriptif de son poste n'inclut pas contractuellement un complément de formation professionnelle à la charge de la société RENAULT et celle-ci ne démontre pas avoir fourni des actions de formation professionnelle ou un bilan de compétences au salarié et contrairement à ce que soutient l'appelante, le fait même d'être embauché dans le cadre d'un premier emploi ne peut constituer le complément de formation professionnelle au sens de l'article L 1242-3 2o du code du travail;
Qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que le salarié est en droit de prétendre à l'indemnité de fin de contrat ; »
Mais il est à noter que la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 20 octobre 2010, a reconnu que :
« il résulte de la combinaison des articles L 1243-10 et L 1242-3 du Code du travail que l’indemnité de fin de contrat n’est pas due lorsque le contrat de travail à durée déterminée a été conclu au titre des dispositions légales destinées à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi…».
Pour autant, il ne saurait être tiré de cet arrêt, comme le fait votre ancien employeur, que la Cour de cassation s’attache à la nature réelle du contrat et non à ses conditions d’exécution.
(Jusqu'ici rien de neuf, l'avocat a repris les éléments législatifs déjà évoqués).
2- Application en l’espèce
Le Conseil de prud’hommes vous a débouté de votre demande, faisant une stricte application des textes du fait que :
- Le contrat avait été conclu dans le cadre d’un CIFRE,
- Que l’employeur avait assuré le complément de formation professionnelle auquel il s’était engagé.
Les dispositions légales étant contraires, il convient donc de démontrer selon la jurisprudence de la cour d’appel de Versailles, afin de revendiquer le paiement de cette prime de précarité :
1- Que le descriptif contractuel du poste n’inclut pas un complément de formation;
2- Que l’employeur n’a pas fourni d’actions de formation professionnelle ou de bilan de compétence au salarié.
Cette jurisprudence pourrait tout à fait être transposable en l’espèce.
En effet, certes, votre contrat mentionne les moyens à mettre en œuvre pour vous permettre de mener à bien votre mission, avec une répartition spécifique du temps de travail.
Cependant, aucun complément de formation professionnelle n’est spécifié.
Il ne semble pas qu’il puisse être sérieusement soutenu qu’un « complément de formation » vous ait été sérieusement dispensé.
Certes, il apparaît que vous avez bénéficié :
- des formations suivantes :
- du 19 au 21 mai 2010 : (pour des raisons d'anonymat, je laisse ces éléments sous silence, mais ils n'enlèvent rien à la compréhension générale du texte.)
- des 18 et 19 juin 2011 : (idem)
Or, il semble que vous ayez été vous-même à l’origine de ses 2 formations, dont la demande a été faite dans le cadre de votre DIF.
Il ne s’agit donc pas d’un complément spécifique de formation.
- de deux entretiens individuels annuels.
Comme leur nom l’indique, il s’agit d’entretien effectué annuellement pour faire un point sur le déroulement de l’année.
Il ne s’agit pas là d’une formation spécifique ou encore d’un bilan de compétences.
A convention spécifique, obligations spécifiques.
Or, en l’espèce, il me semble qu’il puisse être considéré que votre employeur a failli à ses obligations spécifiques, au-delà de celles légales, inhérentes à toute relation de travail.
Il est, me semble-t-il, abusif de la part de votre employeur de considérer qu’il a respecté ses obligations en matière de formation du fait que vous avez eu la responsabilité d’un projet de recherche-action.
C’était là l’objet de votre emploi !
Il ne s’agissait néanmoins pas d’un complément de formation.
Votre employeur entretient une confusion entre les recherches menées et la formation qui aurait dû vous être dispensée.
Quant au suivi qui aurait été dispensé, il s’apparente à un contrôle légitime, comme le fait finalement tout supérieur hiérarchique.
Il me semble, par conséquent, que les éléments évoqués par votre employeur ne caractérisent pas le complément de formation requis.
La difficulté pourrait résider dans le fait que vous avez précisé dans les rapports d’activité rédigés chaque année que vous aviez acquis « les premières bases théoriques » ou encore que vous avez suivi « …une formation dédiée à la gestion de projet complexe. Cette formation était organisée par (......). »
La Cour pourrait également retenir que vous avez acquis un complément de formation du fait de votre présence au sein de l’entreprise.
Cependant, ces différents points méritent d’être discutés et débattus, sans qu’il puisse être garanti que la Cour suive notre raisonnement.
Dès lors, il apparaît, au regard des éléments que vous nous avez transmis, que vous puissiez obtenir gain de cause si la Cour était convaincue de l’absence de tout complément spécifique de formation."
Finalement, l'avocat n'apporte pas véritablement d'arguments nouveaux à notre propos. Il confirme notre raisonnement et que le débat mérite d'être porté en appel. Devant cette demie-bonne nouvelle, j'ai dû prendre une décision. Suite dans le prochain billet.